À l’occasion du Festival d’Ici Danse à Saint-Germain-du-Puch, Noémie Keren a eu le plaisir de renouer avec l’art contemporain. Invitée pour imaginer une exposition sur le thème des « vibrations », en compagnie des oeuvres sonores de Patrick Deletrez & des peintures abstraites très colorées de Constance de Maistre, c’est par une installation que la calligraphe a contribué.

Lignes fils & lignes traces

Si les lettres se tracent dans son quotidien calligraphique à la plume & à l’encre, la calligraphe a souhaité renouer avec une pratique tout autre à l’occasion de cette exposition. C’est pas la broderie, en accumulant les points de chainettes, que Noémie Keren a réalisé une série de 26 rubans de paroles. L’écriture scolaire, la « cursive droite », a été choisie pour son évocation de l’enfance, en adéquation avec la spontanéité des mots choisis.

Jeux de mots

Abracadabra, Badaboum, Clic-clac, Dame, Enchanté, Flûte, Guili-guili, Hourra, Inekto, Jarnibleu, Kikiriki, Lalala, Miam, Nananère, Ouf, Plouf, Quésaco, Rebelote, Saperlipopette, Tchin, Um, Voyons, Whaou, Xoxo, Youpi, Zut.

26 petits mots que l’on aime à exclamer, qui nous échappent, qui vibrent sur nos lèvres. Chaque mot a été brodé sur une banderole blanche, au fil de coton noir. Ces banderoles ont ensuite été modelées afin de prendre la forme de phylactères, cet forme ancestrale des bulles de bande dessinée que l’on trouve dans les enluminures médiévales, notamment lors des représentations de l’Annonciation.

Annonciation phylactère

Noémie Keren avait été marquée par l’une de ces représentations lors d’un cours d’histoire au collège. Marquée aussi par les abécédaires au point de marque qui jalonnaient la maison de son enfance, brodés patiemment par sa mère. Marquée enfin par une lecture lors de ses études aux Beaux-Arts, celle d’un anthropologue : « Si l’écriture parle, alors lire c’est écouter » énonce Tim Ingold dans Une brève histoire des lignes (Edition Z/S, p. 24).

Installation calligraphie broderie Noémie Keren art contemporain Bordeaux

« Phylactères d’interjections », installation, 26 banderoles brodées suspendues, dimensions variables, été 2023.

A partir de l’alphabet, comme un jeu de voix rendu visible par la broderie des lettres : 26 petits mots qui nous échappent, plein de spontanéité, suspendus dans les airs. L’ancêtre des bulles de bande dessinée, le phylactère, expose une écriture de fil, les lignes traces deviennent lignes fils : 

« (…) j’ai eu l’occasion d’observer dans le salon du bateau trois dames qui étaient assises autour d’une table. L’une d’elles écrivait une lettre avec un stylo plume, la seconde tricotait, et la troisième brodait sur un tissu blanc, à l’aide d’une aiguille et de fil, un motif extrait d’un livre de modèles. Tout en poursuivant leurs activités, elles discutaient entre elles. Ce qui m’a frappé dans cette scène, c’était que, tandis que les trois femmes entremêlaient le temps de leur conversation et les récits de leur vie, l’activité qui les absorbait chacune impliquait différents usages de la ligne et des rapports entre la ligne et la surface. (…). 

« Alors que j’observais ces femmes absorbées dans leurs tâches respectives, je me mis à réfléchir aux similarités et aux différences entre l’écriture, le tricot et la broderie. Il m’apparut que l’écriture, qui forme des traces, se distingue de la broderie et du tricot, qui utilisent des fils.(…) » Tim Ingold, p. 73 

Une oeuvre interprétée par le jongleur Bastien Dugas

Lors de l’événement D’art D’art, le jongleur Bastien Dugas a choisi d’imaginer un spectacle autour de la banderole « Badaboum ». Un spectacle plein de délicatesse & de poésie, qui a su dialoguer à merveille avec l’oeuvre textile. Vêtu de noir, sur fond noir, l’accumulation de balles blanches qu’il fait apparaître au fil de sa chorégraphie a su saisir chaque spectateur. Son interprétation pleine de tendresse a séduit le public, & particulièrement Noémie Keren !


De Belles choses
se créent
lorsque l’on dit

Bonjour